Annoncé dans le cadre des Chantiers de la Justice, le projet de décret réformant la procédure civile vient d’être transmis au Conseil d’Etat en vue d’une publication au Journal officiel d’ici la fin du mois de novembre 2019.
Le présent FOCUS présente les principales dispositions de ce texte qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020 afin d’aider les juridictions à préparer sa mise en oeuvre.
Dispositions consécutives à la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance
Les procédures applicables devant le tribunal judiciaire seront définies au sein d’un même titre. Si les principales caractéristiques des procédures orales et écrites sont conservées, il est cependant procédé à certains ajustements facteurs de simplification :
*Unification des modes de saisine
Sans aller jusqu’à un acte de saisine unique (articles 54 à 59 du code de procédure civile), seule la requête sera conservée au côté de l’assignation. Il est en effet apparu indispensable de maintenir un mode de saisine simple et gratuit pour les litiges qui relèvent actuellement de la déclaration au greffe au tribunal d’instance ou au juge aux affaires familiales saisi hors divorce.
*Systématisation de la saisine de la juridiction par un mécanisme de prise de date
Les justiciables, représentés ou non, pourront obtenir, par l’intermédiaire d’un huissier ou d’un avocat une date d’audience (article 751 du code de procédure civile). Cette réforme présente ainsi le double avantage pour les avocats et les justiciables de connaître dès l’introduction de leur demande la date de la première audience de plaidoirie ou de mise en état, et pour les greffiers de ne plus avoir à convoquer les parties et à saisir les données. Cette date de première audience sera obtenue à terme par voie numérique et dans l’intervalle par tout moyen, par exemple par le biais d’une boîte mail structurelle ou par
téléphone.
A défaut de placement de l’assignation dans le délai de deux mois à compter de la communication de cette première audience, le tribunal sera réputé non saisi. Cette sanction, qui ne s’appliquera que dans les cas dans lesquels la date est communiquée par voie électronique, vise à empêcher les parties de réserver une date d’audience sans placer leur assignation. Dans ce cas, les places d’audience réservées pourront être proposées à d’autres parties.
Dispositions tendant au développement des modes amiables de résolution des litiges
Tentative de conciliation, de médiation ou de convention de procédure participative préalable à la saisine de la juridiction
Sont déterminés les cas dans lesquels le demandeur doit justifier, avant de saisir la juridiction, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de convention de procédure participative en précisant les notions de conflits de voisinage, de délai raisonnable et de motif légitime. Le seuil en deçà duquel s’applique la tentative préalable de résolution amiable est par ailleurs fixé à 5.000 euros (articles 819 et 819-1 du code de procédure civile).
Assouplissement du régime de la convention de procédure participative
Les parties pourront conjointement, sans remettre en cause le principe de leur convention, soumettre au juge un incident apparu au cours de la procédure participative. Les parties pourront également se voir fixer dès la signature de la convention la date de l’audience à laquelle sera ordonnée la clôture de l’affaire. Le temps de la mise en état s’en trouvera ainsi accéléré. Il sera enfin possible pour les parties, dans le cadre de la procédure participative ou en amont, de prévoir un nombre accru de dispositions à travers l’acte contresigné d’avocat, telles que la consignation des constatations d’un technicien ou des déclarations des parties ou de tout témoin, entendus par les avocats des parties.
Le sort des affaires qui ne bénéficieraient pas d’une convention de procédure participative s’en trouvera également amélioré puisqu’en étant déchargé d’une partie de ces dossiers, le juge de la mise en état pourra s’impliquer davantage dans l’instruction des dossiers.
Extension des pouvoirs du juge de la mise en état
Il lui est désormais permis de statuer sur toutes les fins de non-recevoir, en statuant en juge rapporteur ou en renvoyant à la formation collégiale de la mise en état les fins de non-recevoir qui nécessiteraient qu’une question de fond soit tranchée (article 789 du code de procédure civile).
Procédure sans audience devant le tribunal judiciaire
Sont précisées les conditions dans lesquelles les parties pourront bénéficier, quel que soit l’état d’avancement de leur affaire, de la procédure sans audience devant le tribunal judiciaire, dans les affaires relevant de la procédure écrite (article 778) comme celles relevant de la procédure orale (articles 828 et 829). Ce mécanisme permettra aux parties de faire valoir leurs arguments contradictoirement par écrit sans avoir à se déplacer. Dans tous les cas, il sera nécessaire de recueillir l’accord exprès des parties et le juge pourra toujours décider de tenir une audience si elle lui apparaît nécessaire au vu des éléments et pièces produits.
Exception d’incompétence au sein d’un même tribunal judiciaire
Il est prévu un mécanisme, inspiré du droit administratif, de renvoi du dossier devant la juridiction compétente, avant la première audience, par simple mention au dossier. Ce traitement simplifié s’appliquera aux incompétences entre tous les juges du tribunal judiciaire, c’est-à-dire notamment au juge aux affaires familiales, au juge de l’exécution, ou au juge des contentieux de la protection. Les parties ainsi que le juge nouvellement saisi auront la faculté de contester ce renvoi dans le délai de trois mois, auquel cas la question de la compétence sera tranchée par le président du tribunal. Sa décision pourra être contestée avec la décision statuant sur l’affaire.
Extension raisonnée de la représentation obligatoire par avocat
Elle est prévue dans les matières les plus techniques pour lesquelles l’intervention d’un avocat apparaît aussi bénéfique pour le justiciable, qui verra ses intérêts justement défendus, que pour le juge, lequel se verra saisi de demandes fondées en droit. Afin de ne pas dissuader le justiciable de saisir la justice, il est apparu cependant nécessaire de dispenser de ministère obligatoire d’avocat les litiges de faible montant.
Ainsi, la représentation par avocat sera obligatoire en matière d’expropriation, de révision des baux commerciaux, dans les procédures fiscales devant les juridictions civiles, en matière familiale dans la procédure de révision de la prestation compensatoire et de retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de délaissement parental, ainsi que devant le tribunal de commerce, le juge de l’exécution et en référé au-delà de 10 000 euros. Les saisies des rémunérations, les procédures collectives et les matières relevant du juge des contentieux de la protection resteront sans représentation obligatoire (articles 26 à 30 du
projet de décret).
Exécution provisoire
Le projet de décret consacre en principe l’exécution provisoire des décisions de justice (article 514 du code de procédure civile). Toutes les décisions rendues par les juridictions civiles bénéficieront donc de l’exécution provisoire de droit, sauf exceptions tenant à la matière considérée. Il en est ainsi par exemple devant le tribunal judiciaire des décisions en matière de nationalité, de rectification des actes d’état civil, de déclaration d’absence, des décisions du juge aux affaires familiales en matière de divorce, de séparation de corps, de liquidation des régimes matrimoniaux ou des décisions rendues en matière de sécurité sociale.
L’exécution provisoire de droit n’est pas étendue aux décisions rendues par les conseils de prud’hommes. De la même façon, devant le tribunal de commerce, l’exécution provisoire n’est pas étendue aux décisions par lesquelles le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci (L. 653-11 du code de commerce).
Le juge de première instance aura la possibilité d’écarter l’exécution provisoire s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Les conditions d’arrêt de l’exécution provisoire par le premier président sont modifiées. Les parties qui auraient demandé en première instance à ce que l’exécution provisoire soit écartée, peuvent faire valoir devant le premier président à l’appui de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire les moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision attaquée ainsi que les conséquences manifestement excessives qu’elle risquerait d’entraîner.
Source : Direction des affaires civiles et du sceau